L’imputation est politique, l’attribution demeure technique.
S’agissant d’une Cyberattaque, l’attribution et, par extension, l’imputation constituent désormais des piliers fondamentaux dans l’élaboration des stratégies au sein du cyberespace. Bien que l’attribution soit principalement une question technique, l’imputation relève d’une décision d’autorité, mettant en lumière la distinction entre la technicité de l’identification et la dimension politique de l’assignation de responsabilité. Il est dès lors illusoire d’espérer que les méthodes techniques fournissent systématiquement des preuves incontestables de l’implication d’une entité spécifique dans une cyberattaque. L’analyse technique, bien qu’essentielle, ne saurait se substituer au jugement politique, car ces deux domaines opèrent selon des logiques distinctes.
Il est fréquent que les responsables politiques, submergés par la complexité technique du cyberespace, en viennent à déléguer leurs prérogatives décisionnelles aux experts scientifiques, parfois au détriment de leur autorité. Cette tendance à la « délégation » implicite peut entraîner un glissement des responsabilités, où l’expertise technique outrepasse son rôle consultatif pour influencer directement les décisions politiques. De ce fait, l’expertise technique est souvent perçue comme une source de certitudes destinées à légitimer les choix stratégiques.
L’attribution influence donc directement les politiques de réponse aux cyberagressions et devient un outil clé dans la rhétorique de dissuasion. Cependant, les limites actuelles de l’attribution technique ne satisfont pas les exigences de certitude des décideurs politiques, engendrant des discussions expertes infructueuses et des manoeuvres juridico-stratégiques qui ne font que masquer les carences des processus décisionnels. La quête de « preuves techniques » infaillibles devient alors un prétexte pour dissimuler l’absence d’une stratégie cohérente et globale.
Pourquoi ne pas envisager, à l’instar du juge qui fonde sa décision sur son « intime conviction » et rend la justice « au nom du peuple », que les autorités puissent s’appuyer sur une combinaison d’éléments techniques, analytiques et contextuels, nécessairement incomplets, pour forger leur décision ?
L’imputation engage ainsi une dimension de risque politique, que les outils techniques peuvent minimiser mais jamais éliminer complètement. Reconnaître cette réalité implique d’accepter la coexistence d’une approche technique rigoureuse avec une prise de décision politique éclairée, chaque domaine contribuant à une stratégie de cyberdéfense et de cyberdiplomatie plus nuancée et adaptée.