Cette guerre se manifeste à plusieurs niveaux. D’un côté, des communications officielles de la part des gouvernements impliqués dans ce conflit, dont la RD Congo, le Rwanda voisin et l’Ouganda aussi dans une certaine mesure, mais aussi des prises de positions diplomatiques ou des institutions internationales. Mais de l’autre côté, il y a un mécanisme aussi qui est beaucoup plus diffus où il y a plein d’acteurs, des individus qui s’organisent en réseau avec l’évolution autour de Facebook, de twitter, WhatsApp, etc., qui non seulement s’engagent à rediffuser des prises de position officielles, mais qui s’organisent pour participer dans cette guerre d’information avec des accusations, des contre accusations, des démentis, de ce qu’on appelle « l’infox », le mélange de vraies informations du terrain avec une certaine lecture qui crée une distorsion de la situation réelle.
De plus, les conflits ayant tendance à se développer au sein des populations civiles tel qu’à l’Est de la RD Congo, donner du sens à l’action revêt un caractère fondamental, d’une part pour justifier les interventions auprès des populations domestiques et d’autre part afin de favoriser une meilleure perception de la force au sein des populations locales. Dans les conflits avec nos voisins rwandais, l’information s’est imposée comme un levier puissant de domination du champ de bataille, tout en montrant clairement ses limites lorsque les objectifs stratégiques ne sont pas clairement établis.
La communication, l’information et l’exercice du pouvoir
En discutant de ce sujet avec un ami, Adonis NSUKU, Expert en Communication, nous nous sommes dit que l’infox n’existe que là où il y a crise d’information. Le monde communicationnel veut que les canaux officiels d’une République (pouvoir) soient les premiers à distiller l’information recherchée. Ainsi, cette information résiste à l’usure et au doute. Cela confirme la thèse selon laquelle le premier à dire a l’avantage d’avoir raison ou le premier à attaquer peut gagner. Le silence du pouvoir est une aubaine pour les usines des informations aussi pernicieuses soient-elles. En outre, notre questionnement est sémillant : est-ce que les politiques et les militaires congolais perçoivent l’information comme une arme de guerre redoutable ?
Tout se passe sur la troisième couche du cyberespace, la couche cognitive (couche informationnelle)
La troisième couche du cyberespace, la couche cognitive regroupe les contenus, le sens de l’information, c’est ici le domaine des perceptions. La maîtrise de l’information est devenue progressivement une préoccupation majeure pour l’armée congolaise de plus en plus équipée technologiquement.
La couche cognitive (informationnelle) est l’une des trois couches (Physique, Logique et Cognitive) du Cyberespace à connaître la cyberguerre entre la RD Congo et le Rwanda.
Les possibilités de diffusion de l’information étant démultipliées, la capacité à modifier des contenus à l’insu des auteurs a redonné à la « propagande » rwandaise une deuxième vie et avec elle, le fantasme totalitaire du contrôle des foules et des esprits est redevenu un sujet d’actualité au sein de l’opinion congolaise.
En l’espèce, il ne s’agit pas uniquement pour les rwandais de manipuler l’information au détriment des congolais ou de diffuser leurs propres informations. Il est possible de concevoir plusieurs niveaux d’interactions sur cette couche afin d’exploiter au mieux la différence entre connaissance et information.
La liberté d’action étant, en partie, garantie par l’incertitude que le rwanda saura créer, il peut ainsi:
- priver l’opinion congolaise de l’information dont il a besoin, privilégier son accès vers une information à faible valeur ajoutée, ou ne correspondant pas à ses attentes ;
- favoriser une mauvaise interprétation de l’information que l’opinion congolaise reçoit ;
- créer l’incertitude en diffusant des informations contradictoires ;
- surcharger les centres de décision de l’armée congolaise afin de saturer sa capacité à gérer l’information.
La guerre de l’information dans la couche cognitive du Cyberespace comprend trois volets : sémantique, syntaxique et lexical. Le volet sémantique se concentre sur le sens de l’information diffusée, le volet syntaxique agit sur les débits et les flux d’information, tandis que le volet lexical modèle les stocks d’information. Maîtriser la couche cognitive est essentiel pour dominer le cyberespace, et cela nécessite l’engagement des experts congolais en cybersécurité, de l’opinion publique congolaise, des politiques congolais et de l’armée congolaise pour contrer efficacement les tactiques de désinformation employées par nos voisins rwandais.