Cette opacité générale explique la tentation d’espionner le voisin pour « savoir » ce qu’il cache, donc ce dont il est capable : cet espionnage permet d’apprécier le rapport de force. Constatons qu’un des moyens les plus faciles consiste, pour un acteur puissant, à expliquer à ses alliés qu’ils ne sont pas au point de façon que ceux-ci démontrent leurs capa-cités. Cela pose en effet la question de la coopération qui accompagne normalement toute alliance.

En effet, sous couvert de coopération et notamment de partage technique, l’un des alliés pourra apprécier bien plus précisément la valeur technique de l’autre. S’allier, dans le cyber, suppose le partage d’informations mais ce partage signifie un affaiblissement potentiel, puisque celui qui s’allie risque de perdre l’opacité relative dont il bénéficiait.
Dans le cyberespace, l’information qualifiée devient un des objectifs premiers. Une des informations les plus qualifiées se nomme « secret ».

Dans le cyberespace, je m’allierai à celui avec lequel je suis le plus disposé à partager mes secrets et notamment mes vulnérabilités qui constituent le vrai secret. Alors que, dans le système traditionnel, une alliance visait surtout à réunir des forces, dans le cyberespace, l’alliance est surtout conditionnée par le partage des faiblesses. Ceci constitue la règle fondatrice des cyberalliances.

Dans le cyber, ces intérêts ne sont plus des objectifs matériels et territoriaux, mais des objectifs de ressources et d’information. Par conséquent, il n’y a plus de critère extérieur pour décider de mes amitiés: la menace n’est plus le critère de mes alliances.

À considérer le seul cyberespace, la confiance devient le critère de remplacement pour constituer une alliance. Je ne détermine plus mes alliances contre une puissance menaçante, mais avec une puissance de confiance. Et la confiance suppose le partage des vulnérabilités, alors qu’auparavant il s’agissait d’additionner des forces.